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Saturday, July 31, 2021

L'apparition des premiers animaux remonterait à 890 millions d'années ! - Futura

Les traces de l'existence des plus anciennes éponges dataient d'il y a plus de 600 millions d'années... La découverte d'une nouvelle empreinte dans un récif de plusieurs mètres de haut datant de 890 millions d'années décale l'apparition des premiers animaux à plus de 200 millions d'années en arrière.

[EN VIDÉO] L’éponge lyre, cet animal carnivore  Découverte d’une nouvelle espèce d’éponge carnivore au large de la Californie. Chondrocladia lyra se nourrit entre autres de crustacés et vit à plus de 3.300 m de profondeur. 

Les premiers êtres vivants connus à s'être développés sur Terre sont des organismes unicellulaires. Les stromatolithes sont parmi les plus anciennes traces de vie connues aujourd'hui car leur formation peut remonter à plus de 3 milliards d'années. Il s'agit de structures carbonatées organisées en lamelles et produites par l'activité photosynthétique de cyanobactéries.

Les métazoaires sont des animaux pluricellulaires dont les cellules sont organisées en organes et en tissus. Les premiers métazoaires connus sont les éponges mais jusqu'à aujourd'hui les premières traces de ces organismes étaient des stéroïdes et dataient d'il y a 630 à 660 millions d'années. Or, une étude parue dans le journal Nature fait état de la découverte d'une structure vermiforme ayant appartenu à un organisme pluricellulaire vivant sur, à l'intérieur, et à proximité de stromatolithes. Le caractère exceptionnel de ce fossile ne provient pourtant pas du fait que l'organisme en question vivait parmi des amas de cyanobactéries. Il vient en revanche du fait que les récifs dans lesquels il a été découvert datent d'il y a 890 millions d'années, soit plus de 200 millions d'années avant les plus anciennes traces d'existence des éponges.

Les plus anciennes éponges ?

L'organisme vermiforme a été découvert par la Professeure Elizabeth Turner qui travaille à l'Université Laurentienne, au Canada, alors qu'elle étudiait des stromatolithes de plusieurs mètres de hauteur. Dans ces stromatolithes, la chercheuse a identifié un réseau de fibres dont les composants s'entrelaçaient et se joignaient, formant ainsi un réseau complexe. L'apparence de cette structure la conduite à dire qu'il s'agit d'un fossile très particulier d'éponge.

La Pr. Turner explique que le corps des éponges modernes contient de la spongine, qui est une protéine formant un squelette mou. Elle suppose que lors de la mort de l'éponge datant d'il y a 890 millions d'années, la majorité du corps de l'éponge a été minéralisé, à l'exception du réseau de spongine qu'il contenait. Selon l'auteure, ce dernier s'est décomposé et a ainsi laissé un réseau vide de tubes qui a ensuite été rempli par des cristaux de calcite. C'est ce réseau qui a été trouvé par la Pr. Turner et dont l'apparence ressemble étrangement à un réseau formé par la spongine chez d'autres fossiles d'éponges.

Cette découverte permet de remettre en question deux aspects de l'histoire des métazoaires sur Terre. La première est qu'ils ont pu apparaître avant que la quantité d'oxygène dans l'air n'augmente de façon importante, entre il y a 540 et 800 millions d'années. La seconde concerne le fait que la Terre a connu une période de glaciation entre il y a 635 et 720 millions d'années, une période pendant laquelle les géologues la nomment « Terre boule de neige ». Cet épisode est supposé avoir eu des répercussions dramatiques sur la survie des métazoaires, or les éponges au moins semblent avoir survécu à cet événement.

Les premiers animaux étaient peut-être des éponges

Reconstituer l'origine des animaux, et en particulier sous formes multicellulaires, est l'une des clés permettant de déterminer notre origine. Des stéroïdes trouvés dans des roches sédimentaires juste avant le début du Cambrien laissent penser que les premiers métazoaires étaient les éponges, il y a plus de 630 millions d'années.

Article de Laurent Sacco, publié le 17/10/2018

L'ADN est très fragile de sorte que nous n'avons aucun espoir de pouvoir ressusciter les dinosaures selon un scénario à la Jurassik Park. Toutefois, certaines molécules, comme le collagène, peuvent traverser des dizaines de millions d'années et même, des centaines de millions d'années, nous donnant un aperçu ténu de la biologie des espèces disparues. Cela permet parfois d'avoir des débuts de réponse concernant la structure et l'histoire de la mise en place de l'arbre de la Vie alors que les fossiles retrouvés restent muets directement sur certaines questions.

On aimerait bien mieux comprendre ce qui s'est passé juste avant et pendant l'explosion cambrienne qui a vu brutalement (en tout cas du point de vue des archives géologiques que nous a laissées la Terre) un surgissement d'organismes non seulement multicellulaires mais surtout très diversifiés comme en attestent les fameux schistes de Burgess, au Canada. Ainsi, on aimerait bien déterminer un peu mieux notre arbre généalogique, dont les racines plongent au plus profond de l'histoire de la biosphère, il y a des milliards d'années, au début de l'archéen, probablement.

Une présentation de la découverte des chercheurs du MIT concernant les éponges (voir l’article ci-dessous) il y a quelques années. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle avec deux barres horizontales en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître, si ce n’est pas déjà le cas. En cliquant ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, vous devriez voir l’expression « Traduire les sous-titres ». Cliquez pour faire apparaître le menu du choix de la langue, choisissez « français », puis cliquez sur « OK » © Massachusetts Institute of Technology (MIT)

Or, il y a quelque temps déjà, une équipe de chercheurs avait fait une trouvaille dans des roches provenant du sultanat d'Oman datées du Cambrien, comme l'expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous. Ces roches contenaient une surprenante quantité d'un cousin du cholestérol baptisé 24-isopropyl cholestane, ou 24-ipc. Comme il était su que des éponges modernes produisaient d'importantes quantités du même lipide, les chercheurs en avaient conclu que ces roches contenaient les traces biochimiques laissées par des éponges vivant à cette époque. Mais une certaine ambiguïté existait car des algues pouvaient aussi avoir produit ce fossile moléculaire. Les chercheurs pensaient l'avoir levé mais avec le recul, il n'en était rien. Or, étant donné l'âge des roches, l'on pouvait en conclure que les premiers multicellulaires animaux devaient avoir été des éponges ; cela peut paraître surprenant mais les éponges, comme les coraux, sont bel et bien des formes de vies animales.

Deux fossiles moléculaires pour l’origine des premiers métazoaires

Quant à la conclusion que l'on peut tirer de la présence d'importantes quantités de 24-ipc dans des roches du Cambrien... Heureusement, il semble que le flou régnant ait raisonnablement cessé si l'on en croit un article publié dans Nature Ecology & Evolution par un groupe de spécialistes en géosciences essentiellement états-uniens.

En effet, ces chercheurs ont continué à traquer des biomarqueurs dans les archives sédimentaires datées bien antérieurement au Cambrien (qui, par convention s'étend de − 541 à − 485 millions d'années environ), non seulement dans les roches d'Oman mais aussi dans celles trouvées en Sibérie et en Inde datées entre 660 et 635 millions d'années.

Cette fois-ci, c'est une autre molécule qui a été trouvée en abondance, à savoir le 26-methyl stigmastane (26-mes), un stéroïde, là aussi. Or, le 26-mes n'est connu que chez les éponges modernes et plus précisément, les démosponges, des métazoaires d'organisation très simple appelés également des silicosponges.

La mise en évidence de 24-ipc et 26-mes dans des sédiments datant d'un peu plus de 630 millions d'années est donc maintenant une indication convaincante que les premiers multicellulaires étaient des métazoaires, en l'occurrence des éponges et donc, des animaux. C'est une découverte d'autant plus intéressante que l'on sait que le génome des éponges de mer possède un nombre important de composantes en commun avec celles intervenant dans le fonctionnement des synapses humaines. Cela laisse penser qu'une partie de l'origine du système nerveux remonte au moins à l'apparition des éponges, il y a plus 600 millions d'années.

Curieusement toutefois, aucun fossile de spicules (des petits bâtonnets calcaires ou siliceux constituant le squelette des éponges) - à défaut de ceux de démosponges entiers - n'a été trouvé dans les roches du Précambrien. Les premières éponges ne devaient donc pas avoir l'aspect de celles que l'on connaît aujourd'hui... ou alors 24-ipc et 26-mes n'étaient pas spécifiques des éponges à cette époque. Mais de quels autres organismes alors ?

Les premiers animaux étaient peut-être des éponges

Article de Laurent Sacco paru le 27 février 2016

Les éponges seraient apparues 100 millions d'années avant la fameuse explosion cambrienne, censée être le début de l'histoire des animaux de notre planète. Cette découverte date de début 2016 et fait partie de ces incessantes remises en cause de la chronologie de la vie sur Terre. À l'heure où des paléontologues bousculent la datation des premiers êtres vivants terrestres, à plus de 3,5 milliards d'années, il est utile de se rappeler ce flou autour du Cambrien.

Les paléontologues et les biologistes veulent comprendre l'histoire des formes vivantes sur Terre, ce qui les conduit à tenter de reconstruire l'arbre phylogénétique de toutes les formes vivantes. Les biologistes disposent pour cela des fameuses horloges moléculaires dont l'existence avait été subodorée dès Zuckerkandl et Pauling, entre 1962 et 1965. Elles reposent sur l'hypothèse que les séquences génétiques se modifient à un rythme constant au cours des millions d'années. En utilisant les données du séquençage génétique et les données phylogénétiques de base fournies par la paléontologie, il est possible de calibrer ces horloges pour estimer plus ou moins précisément quand certaines branches de l'arbre de la vie se sont séparées et, en particulier, quand il n'y a pas de fossiles en grand nombre.

La phylogénie moléculaire est donc un outil précieux pour tenter de comprendre ce qui s'est passé peu avant l'énigmatique explosion cambrienne survenue il y a environ 540 millions d'années. Pour les paléontologues et les biologistes du début du XXe siècle, elle semblait indiquer que la vie organisée, avec des organismes multicellulaires, était brusquement apparue à cette époque car quasiment aucun fossile appartenant à ces êtres vivants n'était connu. On a depuis quelque peu relativisé cette affirmation, notamment avec la découverte de la faune d'Ediacara, plus âgée de quelques dizaines de millions d'années. Les chercheurs pensent aussi que cette explosion de formes vivantes diversifiée était déjà en train de s'amorcer il y a plus de 600 millions d'années.

Un article publié dans les Pnas par des chercheurs du MIT, notamment des membres du Summons Lab, va tout à fait dans ce sens. Il conforte solidement l'hypothèse que non seulement des multicellulaires existaient bien il y a 640 millions d'années mais qu'il s'agissait des plus anciennes formes animales connues, en l'occurrence les éponges.

Un lipide comme biomarqueur des éponges

Il s'agit en fait d'une vieille hypothèse sur laquelle travaillent des spécialistes de la géochimie organique depuis des décennies. En effet, Roger Summons, l'un des auteurs principaux de l'article des Pnas, avait fait une curieuse découverte avec des collègues en 1994. Des roches provenant du Sultanat d’Oman, un pays du Moyen-Orient, au sud de la péninsule d'Arabie, et datées du Cambrien, contenaient une surprenante quantité d'un lipide bien particulier. Il s'agissait d'un stérol, un cousin du cholestérol baptisé 24-isopropylcholestane, ou 24-ipc. Comme l'on savait que des éponges modernes produisaient d'importantes quantités du même lipide, les chercheurs en avaient conclu que ces roches contenaient les traces biochimiques laissées par des éponges vivant à cette époque.

Or, en 2009, un ancien doctorant de Summons a réussi à dater d'autres roches contenant une quantité anormale de 24-ipc. Cette fois, la datation par la méthode uranium-plomb fournissait un âge de 640 millions d'années environ. L'existence d'éponges 100 millions d'années au moins avant l'explosion cambrienne n'est pas une mince découverte mais encore fallait-il en être sûr. En effet, des algues modernes produisent aussi ce type de stérol. Ces traces biochimiques pouvaient donc provenir d'algues, qui plus est monocellulaires.

Pour en avoir le cœur net, une nouvelle équipe a donc entrepris de mobiliser les techniques modernes du séquençage génomique à la recherche des gènes associés à la synthèse du 24-ipc ou de variantes chez 30 organismes différents environ, incluant des plantes, des champignons et bien sûr, des algues et des éponges. En clair, il s'agissait de faire de la phylogénie moléculaire pour tenter de savoir qui, des éponges ou des algues, étaient en mesure de synthétiser du 24-ipc il y a 640 millions d'années.

La réponse est tombée : ce sont des éponges. Mais ce qui est particulièrement remarquable, c'est que les horloges moléculaires indiquent non seulement que l'apparition des éponges productrices de 24-ipc a précédé celle des algues capables de synthétiser cette molécule, mais que l'apparition même de ces animaux, qui sont jusqu'à nouvel ordre les premiers, s'est faite il y a justement environ 640 millions d'années.

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