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Tuesday, January 18, 2022

Microsoft rachète le géant américain des jeux vidéos Activision-Blizzard pour 69 milliards de dollars - Le Journal de Montréal

En mettant la main sur Activision-Blizzard et ses jeux phares comme Call of Duty pour près de 69 milliards de dollars, Microsoft a mis la pression sur son rival Sony et tous les prétendants comme Google, Amazon et Tencent au titre de leader mondial de l'industrie vidéoludique.

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2022 est d’ores et déjà une année historique pour le jeu vidéo.

Après le rachat la semaine dernière du spécialiste des jeux mobiles Zynga par Take-Two pour 12,7 milliards de dollars, l’acquisition mardi de Microsoft est la dernière opération record d’un secteur en pleine consolidation.

Le géant américain, qui commercialise la console Xbox et possède plusieurs studios de développement, va ainsi devenir le troisième plus gros acteur de l’industrie vidéoludique en termes de chiffre d’affaires derrière le chinois Tencent et le japonais Sony, fabricant de la PlayStation.

Avec de potentielles conséquences majeures pour les joueurs du monde entier: de Call of Duty à Diablo, sans oublier Overwatch, Microsoft met la main sur un portefeuille de jeux haut de gamme qu’il pourrait rendre exclusifs pour ses Xbox, aux dépens notamment de la Playstation 5 de Sony.

  • Écoutez la revue de l'actualité d'Alexandre Moranville-Ouellet au micro de Benoît Dutrizac sur QUB radio: 

Exclusivité

« Sachant que Microsoft n’a pas hésité à passer en exclusivité les jeux Bethesda sur les plateformes Xbox, on peut craindre pour les joueurs que cela soit la même chose pour les jeux Activision-Blizzard », explique à l’AFP Charles-Louis Planade, expert jeux vidéo chez Midcap Partners.

« Si Call of Duty et tous les jeux d’Activision-Blizzard deviennent des exclusivités Microsoft, cela met une énorme pression à Sony et à tous ceux qui veulent faire du +cloud gaming+ comme Google, Amazon et Tencent », ajoute-t-il.

Nouvelle frontière annoncée du jeu vidéo, le « cloud gaming (ou jeu en streaming) permet de s’affranchir d’une machine à la maison en utilisant des serveurs à distance. Cette technologie fait partie de la stratégie développée par Microsoft avec notamment le Game Pass Ultimate et le Xbox Cloud Gaming.

Conscient de la nécessité de proposer à terme, un catalogue de jeux attractif, Microsoft avait déjà cassé sa tirelire en septembre 2020 en s’assurant le contrôle de Bethesda, l’éditeur des séries à succès The Elder Scrolls et Fallout, pour 7,5 milliards de dollars.

«C’est comme si vous vous abonnez à Netflix ou Amazon Prime parce qu’il y a la série que vous voulez voir. Demain, ce sera pareil: vous irez vers la plateforme où il y aura votre jeu préféré», souligne encore M. Planade.

Ubisoft, la prochaine cible ?

À la suite de cette acquisition, Microsoft obtiendra également «une position dominante dans l’esport, un secteur en pleine expansion où il a eu du mal à s’imposer par le passé (...) Ce rachat renforcera la position de Microsoft sur le marché des jeux mobiles, qui représentera 272 milliards de dollars d’ici 2030», selon Rupantar Guha, analyste chez GlobalData.

Dès lors, quelle riposte possible pour Sony, Google, Amazon ou Tencent dans ce Monopoly géant des jeux vidéo ?

«Ils vont devoir réagir s’ils veulent” prétendre être les leaders, note un observateur du marché, sachant que les deux mastondontes américains disposent d’un portefeuille de jeux «très léger» par rapport à leurs ambitions.

«Il reste encore quelques acteurs intéressants pour une entreprise américaine ou japonaise: Electronics Arts (Fifa, Les Sims, Apex...), basé en Californie, constitue une cible assez intéressante pour un Gafa», renchérit Laurent Michaud, analyste spécialisé dans l’industrie vidéoludique.

«Si Sony devait jeter son dévolu sur une entreprise, il pourrait être intéressé par les éditeurs asiatiques Bandai Namco, Capcom, Square Enix, Konami ou Nexon», complète-t-il.

Dans cette course à la taille, tous les regards sont braqués sur Ubisoft, «joyau unique sur le secteur par sa taille, la qualité de ses actifs et par sa capacité de production», selon Charles-Louis Planade. 

Le géant chinois Tencent a déjà pris une participation minoritaire dans l’éditeur français, valorisé autour de 6 milliards d’euros sur le marché.

Avec l’annonce de l’acquisition d’Activision-Blizzard, Ubisoft a terminé mardi sur une hausse de plus de 11 % à la Bourse de Paris.

Activision Blizzard, le géant des jeux vidéo empêtré dans les scandales 

Connu pour ses franchises à succès World of Warcraft ou Call of Duty, Activision Blizzard est devenu un géant des jeux vidéos, à la réputation ternie par une série de scandales de discrimination et harcèlement, qui ont mis sous pression son PDG.

Créé en 1979 par d’anciens programmeurs d’Atari mécontents de leur rémunération, Activision est aujourd’hui une entreprise qui pèse plus de 8 milliards de dollars de chiffre d’affaires (données 2020).

Elle s’appuie sur quelques franchises majeures, à savoir « World of Warcraft », jeux multijoueur toujours très populaire près de 30 ans après son lancement (1994), le jeu de tir à la première personne Call of Duty ou Candy Crush, jeu de type puzzle.

Le plus récent de ces jeux date d’il y a quasiment dix ans (Candy Crush), mais tous ont fait l’objet de nombreuses mises à jour et certains ont bénéficié de l’émergence d’internet et des jeux en ligne pour se réinventer.

L’entreprise d’aujourd’hui n’a qu’un lointain rapport avec celle des origines.

Le groupe est ainsi passé tout près de la faillite au début des années 90, victime de la crise des consoles, mais aussi d’une tentative ratée de diversification dans la bureautique.

C’est à cette époque que l’actuel PDG, Bobby Kotick, a fait son entrée avec un groupe d’investisseurs, rachetant personnellement 25 % du capital pour 400 000 dollars, une participation qui vaudrait aujourd’hui 16 milliards de dollars au cours de mardi.

Entrepreneur à l’ancienne, Bobby Kotick a reconstruit Activision, avant de se lancer dans une boulimie d’acquisitions pour négocier le virage des jeux multijoueurs puis celui de la révolution des smartphones.

En 2008, il n’hésite pas à fusionner avec Vivendi Games, permettant à Vivendi de prendre 52 % du capital de l’ensemble, pour récupérer les pépites que recèle la filiale d’édition de jeux vidéos du groupe français, notamment Blizzard, concepteur de World of Warcraft.

Seulement cinq ans plus tard, il rachète, avec un groupe d’investisseurs, l’essentiel de la participation de Vivendi, en difficultés financières.

En 2016, Activision Blizzard lâche 5,9 milliards de dollars pour acquérir le groupe britannico-suédois King, géniteur de Candy Crush, et se positionne dans l’univers du jeu mobile.

2021, le séisme

En pleine santé ces dernières années, fort de nombreux titres à succès, avec aussi Overwatch ou Diablo, Activision Blizzard a cependant été rattrapé, en 2021, par une série d’accusations de discrimination et de harcèlement au sein de l’entreprise.

Tout a commencé par le lancement, fin juillet, par une agence de l’État de Californie d’une action en justice pour harcèlement sexuel, discriminations ethniques et machisme à l’encontre des femmes qui représentent environ 20 % des employés du groupe.

Le tout aurait été facilité par des employés des ressources humaines d’Activision Blizzard, dont le siège social se trouve à Santa Monica en Californie.

Depuis, Activision Blizzard a passé un accord avec une autre agence (EEOC), fédérale celle-là, qui enquêtait aussi sur le groupe, avec, à la clef, la création d’un fonds de compensation des victimes de harcèlement, doté de 18 millions de dollars.

Bobby Kotick a présenté ses excuses aux collaborateurs du groupe et annoncé, fin octobre, la mise en place d’une politique de « tolérance zéro » contre le harcèlement, ainsi que la création d’une enveloppe de 250 millions de dollars pour permettre à l’éditeur de faire monter à 50 % la proportion de femmes et de personnes « non-binaires » (qui ne s’identifient à aucun des deux genres).

Le dirigeant emblématique d’Activision a été pressé de démissionner par nombre de critiques, d’investisseurs et de salariés, une enquête du Wall Street Journal ayant révélé, en novembre, que Bobby Kotick était au courant de certaines accusations depuis plusieurs années.

Toujours selon le Wall Street Journal, le natif de Long Island (État de New York) aurait dit à des collaborateurs qu’il était prêt à quitter le groupe si les mesures anti-harcèlement ne portaient pas leurs fruits suffisamment rapidement.

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