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Friday, January 7, 2022

Téléphonie mobile : plus de vingt après, BlackBerry raccroche - Libération

«La fin d’une ère», «les meilleurs téléphones au monde», «c’était la classe»… Depuis mardi, les messages d’utilisateurs en hommage aux téléphones BlackBerry se multiplient sur les réseaux sociaux. «J’étais un maître de la frappe du pouce sans regarder. Une compétence perdue avec le temps», écrit dans un tweet nostalgique le populaire journaliste canadien Geoff Keighley. Ce début d’année 2022 marque en effet la mise au rebut définitive de la grande majorité des célèbres téléphones à clavier. Il est désormais impossible d’appeler, d’envoyer des SMS ou de surfer sur le web depuis les appareils utilisant le système d’exploitation OS.

«Les systèmes anciens pour BlackBerry 7.1 OS et les versions antérieures, le logiciel BlackBerry 10 ainsi que BlackBerry Playbook OS 2.1 et les versions antérieures ne seront plus disponibles après le 4 janvier 2022», expliquait la marque canadienne dans un communiqué fin décembre. Seuls les détenteurs d’un appareil utilisant le système d’exploitation Android de Google, comme le BlackBerry KEY2 sorti en 2018 et conçu par le groupe chinois TCL, sont épargnés par ces changements.

Les BlackBerry, obsolètes ? Cette annonce n’est en rien une surprise. Voilà maintenant plus de dix ans que l’entreprise BlackBerry, portant à l’origine le nom de RIM (Research in Motion), s’est reconvertie dans la fabrication de logiciels et dans les services aux entreprises portant sur la sécurité informatique et la centralisation des données. Littéralement dépassée par le succès de l’Iphone et autres smartphones tactiles, elle ne fabrique plus elle-même ses téléphones depuis 2016.

«On savait que la fin du BlackBerry était programmée, tant les Iphones et les Samsung sont devenus hégémoniques, souligne Pascal Lardellier, professeur à l’université de Bourgogne et spécialiste des nouvelles technologies. Maintenant c’est officiel, et cela restera un objet de nostalgie pour une génération. Dans l’histoire des nouvelles technologies, il deviendra un astre mort dont la lumière brillera encore longtemps. A l’instar des Kodak ou du Minitel qui ont été en leur temps des modèles hégémoniques et qui ont complètement disparu.»

Relique d’une époque révolue

Au départ, rien ne présageait l’ascension de ces téléphones qui doivent leur nom à la ressemblance des touches de leur clavier physique avec les grains d’une mûre. Leur histoire débute en 1984 : Mike Lazaridis, étudiant en génie électrique à l’université de Waterloo au Canada, fonde, au-dessus d’une boulangerie de bagels, la société RIM avec son ami d’enfance Doug Fregin. Pendant près de quinze ans, RIM restera un centre de recherche et développement en transmission de données sans fil. La sortie du premier engin BlackBerry en 1998, le «RIM 950», au design grossier et capable de recevoir des emails, passe complètement inaperçue.

Mais ces années de recherche qui se concluent par une multitude de brevets déposés ne seront pas vaines. Nouveau chef de file du secteur technologique, RIM brille enfin dans les années 2000. A une époque où les SMS sont encore payants, les téléphones de la marque à la mûre sont les premiers à disposer d’une messagerie instantanée sans frais supplémentaires et d’une réception des mails par «push». Ils ringardisent Nokia et son clavier à touches numérotées et, dès 2005, s’imposent comme un «must have» dans le monde des affaires et des politiques. Symbole du nomadisme numérique, réputé pour sa sécurité, le BlackBerry est alors l’accessoire indispensable du winner en costume cravate.

De nombreuses personnalités deviennent vite accros et raffolent du fameux BBM (BlackBerry Messenger). Kim Kardashian, par exemple, possédait plusieurs appareils, au cas où l’un d’entre eux tomberait en panne. La star de la téléréalité n’abandonne son BlackBerry Bold qu’à contrecœur en 2016, exprimant sur Twitter sa tristesse de ne pas trouver le modèle sur Ebay. Barack Obama, autre ambassadeur de marque, a également eu beaucoup de mal à se défaire de son BlackBerry. L’ancien président des Etats-Unis a en effet remué ciel et terre pour ne pas s’en séparer lors de son arrivée dans le bureau ovale en 2008, au grand dam des équipes chargées de sa cybersécurité. «J’ai pu conserver mon BlackBerry ou, plutôt, j’ai reçu un nouvel appareil spécialement modifié, seulement approuvé après plusieurs semaines de négociations avec divers personnels de cybersécurité», raconte Obama dans ses mémoires publiées en 2020, Une terre promise.

Sur cet appareil bridé, le président américain ne pouvait ni recevoir d’appel ni en passer (la prise casque et le micro avaient été retirés), n’avait pas accès à internet et il ne pouvait envoyer ou recevoir de mails qu’à partir d’une liste d’une vingtaine de contacts approuvés. «Michelle [sa femme, ndlr] me disait en plaisantant que mon BlackBerry ressemblait à l’un de ces jouets que l’on donne aux tout-petits, où ils peuvent appuyer sur des boutons qui font du bruit et allument des lumières, mais en fait rien ne se passe vraiment», ajoute celui qui ne tirera un trait sur ce mobile qu’à la fin de son mandat.

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«CrackBerry»

A son apogée, à la fin des années 2000, RIM est le troisième fabricant de téléphone portable dans le monde avec 20% des parts du marché. S’il est adoré par plus de 46 millions d’utilisateurs (d’après l’entreprise, en 2010), l’appareil est également critiqué pour son côté addictif, lui valant le surnom de «CrackBerry». Dans un article datant de 2006, The Wall Street Journal se fait même le porte-parole des «BlackBerry Orphans» (Orphelins des BlackBerry), ces enfants «laissés pour compte» par leurs parents addicts à leur téléphone. «Un nouveau membre de la famille a fait son apparition, et, comme tous les nouveaux frères et sœurs, celui-ci reçoit une quantité disproportionnée d’attention ce qui entraîne jalousie, crises de colère, et même des visites chez le thérapeute. C’est le BlackBerry», s’amuse la journaliste Katherine Rosman, qui se paye la tête des parents qui «telle une bande d’adolescents», mentent à leurs enfants et «se faufilent dans la maison pour checker leurs mails à la dérobée».

«Le BlackBerry a été le premier appareil à installer une certaine porosité entre la vie professionnelle et la vie personnelle, à rompre l’étanchéité entre ces deux sphères», confirme Pascal Lardellier, qui rappelle qu’au début des années 2000, les gens n’avaient qu’un poste fixe chez eux, souvent sans wifi, et se connectaient le soir après leur travail pour voir leurs messages. Devenue une norme avec les réseaux sociaux, l’immédiateté de la messagerie instantanée apportée par BlackBerry était à l’époque une révolution. Au point que de plus en plus d’entreprises se sont mises à édicter des règles de modération de cet outil professionnel. En 2008, un syndicat canadien est allé jusqu’à demander des augmentations liées à son utilisation. «Ces appareils ont modifié la définition du travail, expliquait Ed Cashman, vice-président de l’Alliance de la fonction publique (AFPC). Si vous avez un BlackBerry, vous êtes disponible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. Il faut que cela soit rétribué».

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Tout allait donc bien dans le meilleur des mondes pour RIM, qui, en plus d’avoir développé un téléphone iconique, engrangeait alors des bénéfices plus qu’enviables (un chiffre d’affaires de 3,9 milliards de dollars en 2009). Mais l’horizon s’assombrit brutalement au début des années 2010 lorsqu’une marque lancée par un certain Steve Jobs en 2009, apporte une nouvelle révolution : l’écran tactile. Apple broie alors littéralement la concurrence. Erreur de marketing ou excès de confiance, BlackBerry loupe le coche de ce tournant technologique. Soudain, son clavier si pratique, fonctionnel et branché, devient lourd et ringard. Incapable de s’implanter sur le marché asiatique, peu à peu boudé par sa clientèle de cadres, souffrant d’une réputation entachée par des pannes importantes, la marque à la mûre est délaissée au profit de la celle de la pomme et des smartphones sous Android. Dès 2013, l’entreprise ne pèse déjà plus que 3% du marché mondial des smartphones et les tentatives de relance se soldent par des échecs. Le partenariat avec le groupe chinois TCL pour le KKEY2, dernier modèle en date, n’a même pas été renouvelé. Une page se tourne donc. Plus qu’un objet vintage, le BlackBerry sera peut-être dans quelques années un objet de collection. Au vu des nombreuses réactions suscitées par la fin de ce téléphone emblématique, les fondateurs de BlackBerry peuvent en tout cas être rassurés sur un point : leur appareil a beau être mort et enterré, il est entré dans la légende.

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