La vague cyberpunk se poursuit et elle ne cesse de nous étonner. Citizen Sleeper, nouveau jeu de rôle en pointer et cliquer de science-fiction, recèle d’histoires touchantes, fascinantes même, des récits qui nous prennent par le cœur avec leurs mains de cyborg.
On y joue le rôle d’un « Sleeper », création artificielle par émulation de la pensée humaine, cheap labor voué à une vie de servitude pour une corporation sans âme. Notre personnage s’échappe de cette tyrannie à bord d’un conteneur interstellaire pour finalement arriver sur une station spatiale géante qui appartenait autrefois à notre propriétaire. Aujourd’hui, elle a été conquise par un syndicat de travailleurs. Reste à survivre dans cette ville spatiale.
Car survivre, il faudra. La corporation qui nous a fait naître a de la suite dans les idées. Si elle ne peut plus nous posséder, personne d’autre ne le pourra : les Sleepers comme nous ont besoin de médicaments distribués uniquement par la corporation pour les garder en vie. Dans ce monde dystopique marqué par le capitalisme sauvage, s’enfuir rime avec mourir à petit feu à mesure que nos organes artificiels se détériorent, privés de la panacée corporative.
Vu d’en haut, on pointe et on clique pour parcourir la cité à la recherche de travail, d’amitiés et de sens. On y fait la rencontre de personnages incongrus : un ferrailleur endetté, une botaniste communiste, une mercenaire trahie par son équipage, une intelligence artificielle enfermée dans une machine distributrice… Tous ont leurs intrigues, et leurs buts ne s’alignent pas toujours avec nos intérêts.
Une histoire qui a du cœur
La vie se déroule par cycle dans l’espace. Selon notre condition (avons-nous assez d’énergie, avons-nous pris nos médicaments ?), nous pouvons faire jusqu’à cinq actions à l’aide de dés distribués au hasard au début de chaque cycle. La valeur associée à chaque dé permet de déduire l’issu de nos actions, un peu à la manière d’un Disco Elysium. Nos choix étant limités, se jouent alors souvent des dilemmes déchirants : venir en aide à un tel ou à l’autre ? Se nourrir ou travailler ?
Ce deuxième jeu du studio Jump Over The Age, qui signait aussi le très intrigant In Other Waters, est somme toute rafraîchissant, malgré ses moyens limités. Beaucoup d’efforts ont été mis dans les dialogues qu’on a passé des heures à lire aux côtés des portraits très réussis de chaque personnage. Voilà une leçon à tirer pour certains développeurs : avec une histoire qui a du cœur, il est largement possible de se démarquer. Il n’y a pas que les prouesses techniques dans la vie.
Après cinq heures de jeu, on n’avait évidemment pas exploré de fond en comble le monde de Citizen Sleeper. Mais on était satisfaits de l’état dans lequel on laissait notre personnage. Il s’était libéré de l’exploitation, plus personne ne voulant lui ravir ce corps qui n’a jamais vraiment été le sien, et il s’était trouvé une place au sein de cette société hétéroclite aux confins de l’espace, Havenage, ultime refuge à l’abri du capital. Il y avait quelque chose de beau là-dedans.
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[Critique] «Citizen Sleeper»: Dans les ruines du capitalisme - Le Devoir
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