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Wednesday, June 8, 2022

Missions spatiales: un laboratoire d'analyse biomédicale dans une boîte à chaussures - udemnouvelles

Le 25 mai, l’Agence spatiale canadienne et Impact Canada ont annoncé les 20 projets retenus du concours Défi des soins de santé dans l'espace lointain, qui vise à favoriser la mise au point de nouvelles technologies dans le domaine des soins de santé. Ces technologies sont destinées aux astronautes des missions spatiales de longue durée ainsi qu’aux collectivités éloignées du Canada.

Le projet présenté par l’Université de Montréal et retenu par le consortium réunit trois professeurs de chimie reconnus dans le domaine des technologies de la santé, soit les professeurs de l’UdeM Jean-François Masson, expert des biocapteurs optiques pour la détection de maladies, et Joelle Pelletier, spécialiste en ingénierie des protéines et interactions moléculaires, ainsi que le professeur de l’Université Laval Denis Boudreau, spécialisé en nanomatériaux et instrumentation optique.

L’équipe québécoise de chimistes a été sélectionnée grâce à sa technologie nommée SPRINT, qui est composée de nanocapteurs intelligents à résonance plasmonique de surface. «En des termes plus profanes, nous allons concevoir un laboratoire d’analyse biomédicale miniature dont la composante principale, servant à détecter les biomarqueurs d’une maladie dans une goutte de sang humain, sera de la grosseur d’une boîte de mouchoirs, explique Jean-François Masson. Avec l’ensemble du matériel nécessaire à l’analyse, ce laboratoire miniaturisé sera entreposé dans un contenant d’une taille analogue à celles d’une boîte à chaussures!»

Des missions spatiales en autonomie

Les missions spatiales des prochaines décennies présenteront des défis beaucoup plus complexes que ceux des missions à bord de la Station spatiale internationale, qui n'est qu'à 400 km de la Terre: «L’habitacle des fusées n’est pas des plus spacieux. Les prochaines missions emmèneront les astronautes à des distances de la Terre jamais atteintes. Ils devront donc être autonomes pour tout ce qui est essentiel à la vie. En cas de maladie, ce n’est pas possible d’installer un laboratoire d’analyse médicale traditionnel, même petit. C’est pourquoi l’Agence spatiale canadienne a fait appel à l’inventivité des scientifiques de partout au pays pour trouver des solutions», souligne Jean-François Masson.

La COVID-19 comme point de départ

Cartouche microfluidique mise au point par le professeur Denis Boudreau

Crédit : ULaval

«La technologie SPRINT est inspirée d’un test de détection de la COVID-19 que nous avons mis au point récemment dans le cadre d’une recherche sur le personnel de l’alimentation infecté lors de la pandémie. Le dispositif SPRINT combinera deux technologies de pointe, soit la résonance plasmonique de surface et les cartouches microfluidiques à pompage passif.

«La résonance plasmonique de surface est un procédé optique qui permet d’utiliser un mince film d’or pour détecter les biomarqueurs d’inflammation, soit une ou plusieurs protéines sécrétées dans le sang et associées à une maladie. Selon les biomarqueurs décelés, l’instrument mesurera un spectre spécifique de couleur», résume Jean-François Masson.

Il poursuit: «Du côté de l’Université Laval, notre collègue Denis Boudreau travaille sur des cartouches microfluidiques contenant le réactif, qui sera mis en contact avec une seule goutte de sang et dont le pompage sera passif, c’est-à-dire par capillarité. La capillarité est un phénomène d'interaction qui se produit aux interfaces d’un liquide et d’une surface grâce aux forces de tensions superficielles. Par exemple, c’est ce phénomène qui se produit lorsque l’encre est aspirée par un papier buvard.»

Plusieurs cartouches, qui auront environ la taille d’un timbre, seront conçues pour tester les signes de diverses maladies, dont le cancer et les infections, ainsi que ceux de plusieurs types de maladies inflammatoires parmi les plus susceptibles de pouvoir se développer dans l’environnement aseptisé d’un vol spatial.

La procédure sera simple et rapide. En cas de besoin diagnostique, l'astronaute devra choisir la cartouche appropriée pour la maladie à dépister, ajouter la goutte de sang dans la cartouche, insérer celle-ci dans l’instrument SPRINT et activer le logiciel. Le temps total d’analyse sera de moins de 15 minutes.

De la Station spatiale lunaire Gateway à la planète Mars: danger de radiations cosmiques

Jean-François Masson

Crédit : Amélie Philibert

La Station spatiale lunaire Gateway est la prochaine grande mission internationale d'exploration spatiale habitée, pour laquelle l’Agence spatiale canadienne a invité les scientifiques à imaginer des dispositifs médicaux révolutionnaires. La Station orbitera autour de la Lune et servira de tremplin pour l’exploration spatiale dans l’espace lointain, dont la première escale envisagée est la planète Mars, d’ici une vingtaine d’années.

La planète Mars se situe à plusieurs mois de voyage en navette spatiale. D’où l’importance pour les astronautes d’être prêts à vivre en autonomie durant une longue période.

«Il est essentiel pour notre équipe que notre laboratoire miniaturisé SPRINT puisse détecter les biomarqueurs du cancer, dans un contexte où les astronautes travailleront sans la protection du champ magnétique de la Terre, qui protège les humains des radiations cosmiques. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, des astronautes seront exposés à des doses plus importantes de radiations solaires et cosmiques pendant des périodes prolongées», prévient Jean-François Masson. Les scientifiques suspectent que ces radiations peuvent causer des cancers chez l’humain, mais ne disposent pas de données suffisantes pour l’affirmer. Documenter cette question relative aux vols spatiaux lointains sera l’une des missions de la station lunaire.

SPRINT: une utilité indéniable sur Terre

La détection rapide et quantitative des marqueurs d’inflammation de l’instrument SPRINT permettra de dépister plusieurs maladies graves. L’absence de laboratoires cliniques en régions éloignées signifie que le patient ou l’échantillon sanguin doit voyager vers un centre urbain selon la situation. Cela peut être long, coûteux et compliqué. Avoir à portée de main un instrument facilitant le diagnostic d’une maladie permet de choisir le meilleur traitement pour les patients.

Son utilisation pourrait révolutionner la pratique médicale dans les régions éloignées, car des diagnostics rapides sur place sont synonymes de suivis effectués aussi sur place, et non dans les grands centres urbains, souvent difficilement accessibles pour ces communautés. Il suffit de penser au Grand Nord canadien, où les distances à parcourir sont énormes.

En outre, la mise en service de l’instrument ne requerra pas d’environnement stérile ou aseptique ni de formation particulière – un patient pourrait s’en servir de façon autonome. Il permet même de s’affranchir des étapes manuelles de prélèvement et d’injection. La goutte de sang reste captive dans la cartouche, minimisant le potentiel de contamination et de destruction de l’échantillon. Les longs délais d’analyse pour l’obtention des résultats disparaissent aussi, puisque ceux-ci s’afficheront en 15 minutes.

Cette solution technologique sera donc adaptée aux conditions où le personnel et les ressources sont limités, ainsi qu’au roulement de personnel. Telle qu’elle est conçue, elle ne demandera pas d’installations de données centralisées ou de technologie périphérique, mais si cela s’avérait nécessaire, le logiciel pourrait être conçu pour communiquer avec les systèmes centralisés.

«Nous sommes donc disposés à travailler en collaboration avec les communautés éloignées du Canada pour désigner les applications de la technologie qui leur seront les plus utiles et concevoir une série de cartouches répondant à leurs besoins», affirme l’équipe des professeurs Masson, Pelletier et Boudreau.

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