Un mémo secret coulé sur Internet une semaine avant la conférence annuelle Google I/O a planté le décor : sans un sérieux coup de barre, rien ne garantit la survie de Google. Sans surprise, donc, le grand patron Sundar Pichai a présenté sur scène mercredi matin sa réplique, sous la forme d’une intelligence artificielle (AI) incrustée dans la plupart des produits de Google qui existent déjà.
La grande nouveauté s’appelle PaLM 2 et prend la forme d’une IA générative similaire dans ce qu’elle permet à ses utilisateurs de faire à ChatGPT, d’OpenAI. Sa rapidité de raisonnement a été multipliée pour mieux comprendre le langage naturel et jusqu’à une vingtaine de langages de programmation informatique. Elle peut corriger des bouts de code fautifs et résoudre des énigmes complexes en quelques secondes, puis expliquer sa démarche de façon limpide comme le ferait un étudiant en plein examen du ministère.
PaLM 2 pourra être utilisée par les éditeurs tiers d’applications en tout genre via les traditionnels outils d’intégration des services Web qu’on appelle API.
Applications en tout genre
Google illustre la polyvalence de PaLM 2 via une variante axée sur la recherche médicale qui peut analyser en un coup d’oeil une image d’une partie du corps humain obtenue par rayons X. Elle peut repérer des anomalies que le radiologue le plus aguerri pourrait ne pas voir. Elle peut produire une synthèse lisible et compréhensible de rapports médicaux laborieusement rédigés par des spécialistes de la santé.
Elle est si efficace et consomme si peu, dit Google, qu’elle peut tenir de façon relativement autonome sur seul un téléphone intelligent de dernière génération.
Cette deuxième génération d’une technologie qui englobe la recherche et développement en IA faite depuis 2012 par Google sera immédiatement greffée à une vingtaine d’applications utilisées chaque jour par ses nombreux clients partout dans le monde. Cela inclut Gmail, la suite bureautique Google Workspace, le système d’exploitation mobile Android et le nouveau dialogueur en ligne Bard.
Bard prend lui aussi de l’expansion : cet outil web à mi-chemin entre un outil de clavardage automatisé et un moteur de recherche sera désormais présent dans 180 pays et comprendra une quarantaine de langues, y compris le japonais et le coréen.
Les explications, les réponses et le texte produit par Bard pourront être expédiés en un clic au destinataire de son choix par courriel ou sur Google Docs. En fait, il suffira de lui en faire la demande pour que Bard se charge de rédiger en entier un courriel ou un document texte.
D’ici quelques semaines, Bard prendra en charge les images, qu’on pourra lui soumettre ou qu’il pourra générer pour aider à répondre à des questions d’ordre visuel (« Quels sont les sites historiques à visiter dans le Vieux-Québec ? »).
Code d’éthique
Toutes ces nouveautés ne manquent pas de soulever des questions liées à la l’éthique et à la bonne gestion d’information et de données sensibles, entre autres. Surtout que Google a perdu il n’y a pas dix jours les services de Geoffrey Hinton, considéré comme le grand-père de l’IA moderne, et qui a claqué la porte des labos de Google pour mieux faire résonner sa crainte que cette nouvelle technologie soit utilisée à mauvais escient.
Chez Google, un porte-parole a tenu à rappeler que « notre politique et notre code d’éthique sont connus du public » et que ces principes « dictent comment nous développons notre IA et l’intégrons à nos autres produits ».
« Nous savons que de tels outils peuvent servir à des fins malicieuses et nous faisons ce que nous pouvons à l’interne pour s’assurer que nos outils sont seulement utilisés de la bonne façon. Nous nous réjouissons tout de même de la conversation publique à ce sujet, nous pensons qu’elle est essentielle pour que l’ensemble de la société puisse composer avec cette évolution technologique. »
Le rival sorti de nulle part
Il reste à voir si tout cela dissipera cet étrange nuage qui plane sur l’édition 2023 de la conférence Google I/O, une ombre que redoutent tout-à-coup certains des plus hauts dirigeants de Google. De nouvelles IA génératives libres d’accès menacent selon eux son modèle d’affaires. Ces IA génératives s’apparentent dans leur fonctionnement à ChatGPT, du laboratoire californien OpenAI, mais elles sont libres de droit (open source) et peuvent être utilisées gratuitement.
Pis encore, si elles s’avèrent un peu moins puissantes ou précises que ChatGPT ou même que Bard et PaLM — les deux visages d’une seule et même IA signée Google — elles sont plus agiles et conviennent amplement aux besoins du grand public, de programmeurs autonomes ou de jeunes pousses dénués de la rigidité corporative d’une multinationale comme Google. Certaines peuvent même être installées et vivre confortablement sur un téléphone intelligent aussi facilement accessible qu’un Galaxy S23 de Samsung.
Ironie du sort, conclut la note désormais pas-si-secrète-que-ça, le principal bénéficiaire de cette adoption massive d’IA rivales à celles de Google et OpenAI pourrait être Meta, à qui on doit en bonne partie leur existence.
À moins que Bard, PaLM 2 et les autres nouveautés présentées sur scène à Mountain View par une journée ensoleillée de mai ne suffisent à convaincre les internautes et les entreprises de payer une surprime chaque mois pour adopter une technologie similaire déjà intégrée dans des outils de productivité comme la suite Google Workspace.
Ce reportage a été réalisé grâce à l’invitation de Google Canada.
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La réplique de Google à ChatGPT prend forme - Le Devoir
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