Un effet insoupçonné du couplage IA-travailleur. (Photo: Vinicius Amano pour Unsplash)
MAUDITE JOB! est une rubrique où Olivier Schmouker répond à vos interrogations les plus croustillantes [et les plus pertinentes] sur le monde de l’entreprise moderne… et, bien sûr, de ses travers. Un rendez-vous à lire les mardis et les jeudis. Vous avez envie de participer? Envoyez-nous votre question à mauditejob@groupecontex.ca
Q. – «Je lis ici et là que, demain matin, nous allons devoir travailler avec des intelligences artificielles et que cela devrait booster notre productivité. J’ai du mal à y croire: pour être vraiment productif en binôme ou en équipe, il faut travailler «les yeux dans les yeux» (se faire confiance, s’épauler, se comprendre sans se parler, etc.) et je ne vois pas comment cela serait possible avec un robot…» – Richard
R. – Cher Richard, vous mettez là le doigt sur un point sensible concernant l’implantation graduelle de l’intelligence artificielle (IA) dans nos milieux de travail: y a-t-il, au fond, une véritable complémentarité possible entre l’être humain et l’IA? Je veux dire, une complémentarité bénéfique pour le travailleur lui-même.
Si j’en crois les résultats d’une étude récente sur le sujet, il y a bel et bien matière à en douter sérieusement. Regardons ça ensemble.
Pok Man Tang est professeur de management à la Faculté d’affaires Terry de l’Université de Géorgie, à Athens (États-Unis). Avec sept autres chercheurs, il a rencontré et analysé la vie de 794 personnes qui travaillent quotidiennement avec une IA, aux États-Unis, à Taïwan, en Indonésie et en Malaisie. Et ce, durant une période d’un an.
Cela lui a permis de faire deux découvertes:
– Ceux qui sont couplés à une IA ont nettement plus tendance à être alcooliques que les autres.
– Ils ont aussi nettement plus tendance à faire de l’insomnie.
C’est que ces travailleurs-là sombrent, en général, dans un cercle vicieux. Une fois couplés à une IA, ils ont moins de contacts avec des collègues humains. Or, comme chacun de nous est avant tout un «animal social», comme disait Aristote, ces travailleurs se mettent à souffrir de cette «pénurie» de contact humain. Leur réflexe est d’en chercher à l’extérieur du travail, histoire de compenser. Mais voilà, ce n’est pas toujours si facile que ça de se faire des amis, si bien qu’ils commencent à souffrir de la solitude. Au travail et en dehors du travail. Et cela se traduit, fort malheureusement, par l’insomnie et l’alcoolisme.
À noter que ce phénomène s’exprime surtout auprès des personnes qui ont un besoin d’attachement et de reconnaissance plus prononcé que la moyenne des gens.
Bref, le déploiement de l’IA dans nos milieux de travail «laisse présager une évolution vers un «système asocial», dans lequel les gens peuvent se sentir socialement déconnectés au travail comme à l’extérieur de celui-ci», est-il noté dans l’étude. Autrement dit, l’heure est venue de nous demander collectivement si nous voulons vraiment nous diriger vers des «systèmes asociaux», pour ne pas dire «inhumains», ou pas. Si l’IA couplée aux travailleurs humains est une bonne pratique managériale, ou pas. Et donc, si la solitude est l’avenir souhaité et souhaitable de l’être humain, ou pas.
Richard, votre interrogation est, à mon avis, une forme de réponse à ces interrogations existentielles. Car elle montre que votre intuition vous amène à freiner des quatre fers face au déploiement croissant de l’IA dans nos milieux de travail. Une intuition visiblement validée par les travaux de chercheurs en management…
En passant, le rappeur français MC Solaar a dit dans «La Concubine de l’hémoglobine»: «Parce que la science nous balance sa science, science sans conscience égale science de l’inconscience».
L'IA pousse-t-elle les employés à l'alcoolisme et à l'insomnie? - LesAffaires.com
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