C’est un moment qui pourrait résumer l’expérience Starfield. Après un combat intense au cœur d’un avant-poste planétaire envahi par des pirates de l’espace, on tombe, dans un coffre rempli d’objets de contrebande, sur des écrits religieux. Ceux-ci se revendent très cher, mais leur commerce est apparemment interdit. Sans trop savoir ce que cela implique, nous les embarquons tout de même et, sans plus y penser, nous dirigeons vers le système Alpha du Centaure. Las ! les autorités locales scannent notre vaisseau, repèrent le matériel de contrebande, et nous arrêtent.
Le début d’un tunnel de cinq heures qui nous verra accomplir autant de missions, et à l’issue duquel on ne sait plus très bien ce qu’à l’origine nous étions venus faire là. Mais ce n’est pas bien grave : les jeux du studio américain Bethesda ont toujours été des odes à la sérendipité, qui habituent le joueur à mettre de côté le scénario pour se perdre dans les méandres de leurs mondes virtuels.
A l’exception de Zelda : Tears of the Kingdom (Nintendo), aucun jeu n’était plus attendu en 2023 que Starfield, qui sort le 6 septembre sur Xbox et PC. Parce que c’est la première fois en près de trente ans que le studio Bethesda, connu pour ses jeux de rôle dans de vastes mondes ouverts, se risque à un nouvel univers. Après Tamriel (The Elder Scrolls) et la Terre dévastée de Fallout, la nouvelle destination du géant entre-temps racheté par Microsoft est désormais notre galaxie.
Une formule classique
Nous sommes au XXIVe siècle et la Terre est depuis bien longtemps devenue un désert inhabitable. Les humains ont colonisé un certain nombre de systèmes solaires, établi des villes, développé de nouvelles technologies spatiales et ont, bien évidemment, eu le temps de se faire la guerre et de signer des traités de paix. Certains systèmes sont ainsi sous la coupe de l’Union coloniale, d’autres sont rassemblés sous l’égide de la confédération Liber Astra, alors que sévissent de nombreux gangs de pirates, comme la Flotte écarlate, sorte de mafia spatiale.
C’est dans ce contexte que l’on rejoint les rangs de Constellation, un petit groupe étonnant et attachant d’explorateurs qui cherchent inlassablement à percer les mystères de l’Univers. Parmi eux, un riche industriel, un féru de religion ou encore une ancienne militaire, tous rassemblés dans une loge décorée comme un vieux manoir anglais.
Sur la forme, Starfield ne perturbera pas les habitués des mondes ouverts développés par Bethesda. Le joueur commencera par se créer un personnage en sélectionnant différents traits, notamment son profil d’origine (diplomate, agriculteur, militaire…) qui déterminera ses aptitudes de départ. Par la suite, il est assez facile de progresser et d’en débloquer de nouvelles pour se construire un personnage équilibré. Les missions sont classiques et les affrontements au sol très réussis, grâce aux mouvements rendus possibles par le jetpack, la gravité variable d’une planète à l’autre ou encore certains pouvoirs surnaturels suggérés dans les vidéos promotionnelles du jeu – et que l’on évitera de trop dévoiler. Plus difficiles à prendre en main, les combats spatiaux ont ceci d’intéressant qu’il est possible de s’amarrer à des vaisseaux ennemis affaiblis pour les prendre à l’abordage.
Une écriture inégale
La quête principale, elle, consiste à enquêter sur les « artefacts », d’étranges fragments métalliques éparpillés aux quatre coins de la galaxie et censés renfermer les secrets de l’univers. On regrette que certaines des idées les plus intéressantes soient parfois introduites pour ne plus jamais ensuite réapparaître, en tout cas pendant les presque soixante heures que Le Monde a pu consacrer au jeu. Même constat concernant certains éléments de l’intrigue, qui restent en suspens à l’issue du générique de fin. A moins, qui sait, qu’ils ne trouvent leur réponse dans le mode « Nouvelle partie + », qu’il ne nous a pas été possible d’explorer de fond en comble. Mais tout de même : ce fil rouge est dans l’ensemble très convaincant, offrant des rebondissements et des moments de bravoure à la mise en scène réussie.
Le bilan est plus mitigé pour les quêtes dites de « faction », celles que l’on exécute pour le compte des diverses entités politiques du jeu – un grand classique des jeux du studio. Certaines sont passionnantes et très bien rythmées : l’histoire de la Flotte écarlate, par exemple, se glisse aisément au panthéon des meilleurs moments de jeux Bethesda. Mais d’autres fils narratifs se perdent dans des missions moins inventives, ou s’achèvent abruptement malgré une idée de départ très prometteuse. Qu’importe. Le cœur des jeux du studio a toujours été dans les à-côtés. Comme lorsqu’on tombe sur ce gigantesque vaisseau au hasard de l’orbite d’une lointaine planète et dont les communications ne répondent plus. Ou dans la rencontre inattendue avec un alien monstrueux sur une planète sinon déserte. Et sans parler des villes fourmillantes, ou de certaines planètes aux environnements particulièrement réussis, soulignés par un graphisme très plaisant.
Mais, paradoxalement, Starfield souffre parfois d’un trop-plein. Comme l’avait promis Todd Howard, réalisateur depuis vingt ans des jeux Bethesda, il y a ici un millier d’astres à explorer – même si la plupart sont déserts. Mais il y a un prix à payer. Dans les précédents jeux du studio, une partie du plaisir venait dans le fait de se promener au gré de ses envies, découvrant progressivement la mappemonde. Dans le gigantesque Starfield, l’exploration est moins spontanée : elle passe par une gigantesque carte stellaire, dans laquelle il faut choisir un système, puis une planète, puis un point sur lequel faire atterrir son vaisseau, vers lequel on est immédiatement transporté – sans avoir eu l’occasion de flâner ou de se perdre. D’un autre côté, Starfield fourmille de systèmes de jeu pour occuper son temps : décoration d’appartements en ville, personnalisation de vaisseaux de A à Z ou encore construction de bases sur les planètes de son choix.
Une faiblesse et une force
Au vu de l’ampleur du titre et du passif de Bethesda, les esprits chagrins pourront s’inquiéter de potentiels problèmes techniques. Dans les faits, nous n’avons pas constaté d’incident majeur. Qu’on se rassure : nous avons quand même été confrontés à un certain nombre de bugs absurdes, comme cette fois où, nous-même recherché par la police, nous avons été arrêtés alors que nous devions remettre un voleur aux autorités. Faute d’avoir pu boucler la mission, le malfrat s’est alors mis à réapparaître aux endroits les plus improbables, d’abord vivant, puis, après s’être pris une balle perdue, sous la forme d’un cadavre, hantant notre héros tel le fantôme de nos échecs passés.
C’est la faiblesse et la force de Starfield, jeu vidéo qui propose au joueur un vaste bac à sable, le laissant jouer, au choix, au shérif ou au voleur, se raconter lui-même des histoires et découvrir l’univers à son rythme. Techniquement et graphiquement réussi, il est de ces titres que l’on ne peut s’empêcher de reprendre jusqu’à en avoir découvert tous les secrets.
L’avis de Pixels
On a aimé :
- La quête principale réussie ;
- Les combats au sol très amusants ;
- La sérendipité propre aux jeux Bethesda ;
- Une finition technique rassurante.
On a moins aimé :
- Certaines quêtes secondaires moins enthousiasmantes ;
- Une exploration parfois décourageante.
C’est plutôt pour vous si…
- Vous avez déjà passé deux cents heures sur Skyrim et Fallout 4 ;
- Vous avez deux cents heures supplémentaires à tuer ;
- Vous aimez tracer votre propre route dans les mondes ouverts.
Ce n’est plutôt pas pour vous si…
- Vous avez besoin d’une aventure dirigiste ;
- L’espace vous ennuie.
La note de Pixels :
24 années-lumière sur 30
« Starfield », l'odyssée spatiale où se perdre devient un plaisir - Le Monde
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