Il y a plus de trois ans que Google a présenté son dernier haut-parleur intelligent, le Nest Audio. En novembre 2022, Amazon a annoncé l’abolition de 10 000 postes et rapporté des pertes estimées à 10 milliards US, largement dues à sa division Alexa et à ses Echo vendus à prix coûtant. Et à part une petite mise à jour en janvier 2023, Apple ne vante plus son coûteux haut-parleur HomePod.
Ces fabricants, à n’en pas douter, connaissent les plus récentes statistiques de ventes de ces appareils qui ont connu leur heure de gloire entre 2014 et 2020.
Un marché qui « plafonne »
On le constate dans ce tableau ci-dessous, les ventes stagnent ou sont en recul pour les deux principaux fabricants nord-américains, Google et Amazon. Apple connaît une modeste croissance, mais demeure un acteur de second plan. Ce sont surtout les entreprises chinoises, particulièrement Xiaomi, Baidu et Ali Baba, qui ont pris le relais.
« Après une période de croissance rapide, le marché des enceintes intelligentes a décéléré en 2020 et 2021 », note dans un rapport publié en mai dernier Elizabeth Parks, présidente de Parks Associates, une firme de recherche marketing en technologie.
La nouveauté des assistants vocaux a pâli quand la technologie est devenue intégrée à plusieurs autres produits de consommation courante comme les écouteurs, les montres intelligentes et les télécommandes.
Elizabeth Parks, présidente de Parks Associates
Au Québec, on a noté en 2023 la première baisse du taux d’adoption des enceintes intelligentes depuis que l’Académie de la transformation numérique (ATN) compile ces données, soit depuis six ans.
Qu’est-ce qu’une enceinte intelligente ?
Également appelée « haut-parleur intelligent » en français, traduction du terme anglais smart speaker, l’enceinte intelligente est essentiellement un haut-parleur auquel on a greffé un microphone qui permet d’interagir avec un assistant vocal. Si différents prototypes ont été lancés depuis les années 1980, c’est à Amazon qu’on doit l’envol de cette catégorie d’appareils à partir de 2014 avec son Echo. Selon un sondage mené par Comscore aux États-Unis en 2021, l’utilisation principale, à 31 %, est d’obtenir des réponses à des questions d’ordre général – calculs mathématiques, histoire, définitions. Et 27 % l’utilisent pour de l’information sur la météo ou les résultats sportifs, 25 % pour jouer de la musique, 22 % pour des minuteries ou des alarmes et 19 %, pour le contrôle domotique.
Le rapport NETendances 2023 se fait l’écho d’un constat plus général : « Le marché des haut-parleurs intelligents, qui était autrefois en forte croissance, pourrait être en train de plafonner aux États-Unis. [En] 2023, ce sont 36 % des États-Uniennes et États-Uniens âgés de 12 ans et plus qui déclarent posséder de tels appareils. Ce pourcentage représente une faible augmentation par rapport aux 35 % de 2022 et aux 33 % de 2021. »
Rebond et méfiance
Difficile d’annoncer la mort d’un appareil qui a tout de même trouvé son chemin chez 36 % des Américains et 24 % des Québécois. En fait, selon Adam Wright, coordonnateur de recherches à la firme IDC cité par TechBrew, « le marché entre en période de correction ». « Le volume impressionnant de haut-parleurs intelligents vendus au cours des trois ou quatre dernières années signifie que nous sommes arrivés à un point de saturation, analyse-t-il. La plupart des ménages qui seraient intéressés par l’un de ces haut-parleurs en possèdent déjà au moins un, si ce n’est deux, trois, quatre ou cinq. »
Pause momentanée ou déclin, il est cependant évident que ces appareils doivent affronter depuis quelques années des vents contraires. Au premier plan : la méfiance envers ces intelligences artificielles toujours à l’écoute, mais qui n’envoient théoriquement des données vers les serveurs que quand elles entendent le déclencheur comme « Alexa » ou « O.K. Google ».
Les consommateurs ne sont pas convaincus. Une enquête de Statistique Canada publiée en juillet dernier a révélé que 40 % des Canadiens ne leur faisaient pas confiance. Plusieurs controverses ont marqué les esprits, notamment le fait révélé en 2019 qu’Amazon et Google utilisaient les services d’opérateurs humains pour retranscrire – et donc écouter – une partie des conversations enregistrées par leurs enceintes intelligentes.
En juillet 2020, une équipe de chercheurs de Northeastern University aux États-Unis a démontré que ces enceintes avaient tendance à enregistrer par erreur, parfois plusieurs fois par heure, des bribes de conversations.
En panne d’évolution
L’autre reproche que l’on fait souvent à ces appareils, surtout dans les médias spécialisés en technologie, c’est qu’ils ont très peu évolué en près d’une décennie, à part l’ajout d’un écran à certains modèles. Du point de vue sonore, à part quelques rares tentatives de les améliorer – une voie que Google a enterrée avec son défunt Google Home Max –, ils demeurent le plus souvent de petits haut-parleurs peu immersifs.
Peut-être plus dommageable encore du point de vue technologique, l’utilisation d’assistants vocaux dans lesquels on a engrangé des millions de commandes fait aujourd’hui pâle figure devant des intelligences artificielles génératives comme ChatGPT.
Dès que vous souhaitez effectuer des tâches sensibles, nécessitant des interactions multiples ou de nature multimodale, les assistants vocaux ne sont plus fiables.
Ben Dickson, auteur du site TechTalks
Google et Amazon ont en réserve leur propre intelligence artificielle générative qui pourrait réduire l’écart, mais aucun projet en ce sens n’a encore été annoncé. De toute évidence, les enceintes intelligentes ont permis à leurs fabricants d’accumuler données et conversations pour entraîner leurs modèles.
Mais la monétisation directe a jusqu’à maintenant échoué, comme l’ont illustré les pertes financières d’Amazon. Le géant américain du commerce électronique n’a jamais réussi à convaincre une part significative des utilisateurs d’Echo à l’utiliser pour des achats en ligne. Les statistiques officielles n’ont jamais été dévoilées, mais une enquête du média The Information avait révélé en 2018 qu’à peine 2 % des utilisateurs avaient utilisé leur Echo pour magasiner, et que seulement 10 % de ces derniers avaient recommencé l’expérience.
Vie numérique | Le blues des enceintes intelligentes - La Presse
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