« Décoloniser le musée ». C’est le défi que s’est donné le Musée McCord, à Montréal. Pour avancer dans cette direction, l’institution a annoncé mercredi la mise sur pied d’un comité consultatif autochtone permanent qui aura pour mandat de conseiller l’administration sur la façon de représenter l’histoire et la culture des premiers peuples et des peuples métis.
Ce comité, qui a déjà commencé à siéger, réunit cinq membres autochtones issus des milieux universitaires, artistiques et communautaires et trois membres du personnel du musée, dont le conservateur de la collection Cultures autochtones du musée Jonathan Lainey.
Le comité va pouvoir faire des recommandations sur les orientations, les initiatives et les projets en lien avec des sujets autochtones
, affirme M. Lainey, lui-même membre de la nation huronne-wendat. On est tout à fait conscients que l’autochtonisation et la décolonisation, on ne peut pas faire ça seuls. On veut s’assurer qu’on ne fait pas de faux pas, qu’on est à jour et au courant des diverses sensibilités qu’il peut y avoir.
Notre but, c’est d’être le plus pertinents possible. On ne peut pas travailler en vase clos et penser que ça va plaire aux personnes concernées [par une exposition]. On ne peut pas penser que nos expertises, même si elles sont développées au fil de nombreuses années, sont suffisantes.
Il faut dire que la réflexion du Musée McCord sur la représentation autochtone entre ses murs ne date pas d’hier. Quand j’étais étudiante à l’université, j’étais guide pour le musée
, raconte Mélissa Mollen Dupuis, cinéaste et activiste d’origine innue qui siégera au comité consultatif. Déjà, la représentation des cultures autochtones était respectueuse de la diversité des communautés. Ce n’est pas comme s’ils s’étaient découvert hier une volonté de décolonisation.
Il faut réactiver notre histoire
Faire l’histoire des cultures autochtones dans un musée a toujours été un défi, avance Mme Mollen Dupuis. Parce que ce n’est pas toujours confortable pour les institutions
, dit-elle.
On voit souvent l’histoire [des peuples autochtones] comme une histoire qui commence à l’arrivée des colons, qui s’arrête en 1850, et qui réapparaît à la crise d’Oka
, poursuit la militante pour les droits autochtones.
Entre les deux, il y a ce qu’elle appelle la tache sociale
: la Loi sur les Indiens, les réserves, les pensionnats. Elle voit dans l’initiative du Musée McCord une volonté de reconnecter les liens brisés entre les cultures autochtones d’autrefois et l’histoire autochtone d'aujourd’hui et, surtout, d’accepter de parler des raisons pour lesquelles ces liens ont été coupés
.
Nos identités sont pratiquement vues comme des objets du passé. Il faut réactiver notre histoire et la raconter, même si elle est difficile.
Jonathan Lainey est bien au fait de ces difficultés. Les musées sont des institutions coloniales
, dit-il. Il ajoute : Les objets qu’ils contiennent ont été amassés dans un contexte de colonisation, à la fin du 19e siècle, alors que la Loi sur les Indiens bat son plein et que le Canada est en pleine offensive légale et juridique. On est en grande période de dépossession [des premiers peuples].
Or, plus on dépossède les Autochtones, et plus les collections privées, qui deviendront plus tard les collections des musées, se développent
, précise-t-il
Comment, dès lors, raconter cette histoire? En donnant l’espace aux Autochtones pour la raconter, répond le conservateur. Il faut que la parole autochtone prenne sa place au sein de l’institution
, dit Jonathan Lainey, qui révèle au passage que les textes de la prochaine exposition du Musée McCord seront rédigés au nous
. Il ajoute que cette exposition donnera de l’espace pour que des membres de communautés autochtones puissent eux-mêmes interpréter certains objets pour en exposer les détails et les nuances.
Mettre la voix autochtone de l’avant, c’est déjà un grand pas. Nous pouvons prendre la parole et dire ''voici ce que nous voulons dire au public, ce qu’on juge important de raconter''
, résume M. Lainey.
Le rôle du musée est déterminant dans le contexte actuel, croit Mélissa Mollen Dupuis, où la majorité prend conscience de moments de l’histoire des relations du Canada avec ses premiers peuples que le pays a longtemps voulu oublier, ou faire taire. L’ancienne guide se souvient que les musées sont souvent visités suite à un réveil collectif sur des pans de l’histoire canadienne
.
D’où la nécessité, selon elle, de leur raconter l’histoire réelle
.
Un nouveau comité dédié à la « décolonisation » de l'histoire autochtone au Musée McCord - Radio-Canada.ca
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