Le conflit peut-il dégénérer jusque dans l'espace ? Dès le premier jour de l'offensive russe, jeudi 24 février, le bouillonnant patron de l'agence spatiale russe Roscosmos s'est montré menaçant. Et glaçant.
Moscou menace de faire chuter l'ISS
Le président américain Joe Biden avait averti Moscou des conséquences des sanctions sur le programme spatial russe.
La réponse de Moscou a rapidement fusé :
Si vous bloquez la coopération avec nous, qui sauvera l’ISS d’une désorbitation incontrôlée et de sa chute aux États-Unis ou en Europe ?
Dmitri Rogozine, directeur général de Roscosmos
La menace n'est même pas voilée : brusquement, la Station spatiale internationale devient otage du plus violent conflit affectant l'Europe depuis les guerres en ex-Yougoslavie.
Elle abrite actuellement sept astronautes (quatre Américains, deux Russes et un Allemand).
Nul ne sait ce qui s'y raconte mais la géopolitique est venue bousculer des années de paix cosmique.
Une interdépendance pensée pour éviter tout conflit dans l'ISS
De fait, l'ISS repose sur une longue, intense et très pacifique collaboration internationale depuis la fin du XXe siècle.
En pratique, ce sont les propulseurs russes qui corrigent, régulièrement, l’orbite de la station. La production électrique, elle, dépend pleinement des systèmes américains. A tout moment, des astronautes russes et américains sont présents à bord.
Une interdépendance précisément pensée pour empêcher « les dérapages dus à l'actualité », après des décennies de Guerre froide, rappelle Julie Patarin-Jossec, autrice d'un essai sur l'ISS et ex-enseignante à l'université d'Etat de Saint-Pétersbourg.
Si la Russie se retirait de l'ISS, ce qui est relativement impossible du fait de l'encadrement juridique du programme, cela voudrait dire qu'elle n'aurait plus de programme spatial habité
Julie Patarin-Jossec
« Trampoline »
Les vaisseaux Soyouz sont en outre utilisés pour la plupart des envois et des retours des astronautes, ainsi que pour le ravitaillement de la station.
En 2014, lors de l'invasion russe de la Crimée, qui avait suscité, déjà, d'immenses protestations internationales, dont Washington, la Russie avait suggéré que les Etats-Unis « utilisent un trampoline pour acheminer leurs astronautes vers l'ISS ». La saillie, déjà, venait de Dmitri Rogozine. Soyouz était alors le seul moyen de rallier l'ISS, après l'abandon des navettes américaines, mais avant les fusées privées SpaceX d'Elon Musk.
En 2020, avec le premier lancement réussi de SpaceX vers l'ISS, Elon Musk, provocateur et doué d'une sacrée mémoire, avait d'ailleurs lancé : « Le trampoline fonctionne ! ». Dans une ambiance autrement plus décontractée qu'aujourd'hui...
Après les récentes menaces russes, la Nasa a préféré jouer l'apaisement, assurant continuer à « travailler avec Roscosmos et nos autres partenaires internationaux au Canada, en Europe et au Japon pour maintenir des opérations sûres et continues de l’ISS » :
Les nouvelles mesures de contrôle des exportations continueront de permettre la coopération spatiale civile américano-russe
La Nasa, dans un communiqué
Un précédent incident militaire en novembre
Un appel au statu quo spatial et civil parfaitement ignoré par Dmitri Rogozine : le patron de Roscosmos a enfoncé le clou, jugeant désormais « inappropriée » une collaboration américaine à un projet de mission en direction de Vénus, Venera-D.
L'Europe spatiale menacée
L'Europe, et a fortiori la France, sont très affectées par les décisions russes en matière de conquête spatiale.
Dès samedi, Roscosmos avait suspendu tout lancement depuis la base française de Kourou, en Guyane. Raison invoquée : les sanctions économiques visant les exportations russes. Immédiatement, Moscou a rappelé les 87 employés russes qui travaillaient à Kourou.
Egalement menacées, les collaborations entre l’Agence spatiale européenne (ESA) et Roscosmos. A savoir la mission Exomars 2022, désormais très mal engagée : le robot européen Rosalind/Franklin, qui doit se poser sur Mars, devait être envoyé par les Russes, qui devaient aussi le faire atterrir sur la planète rouge.
L'Agence spatiale européenne a publié un communiqué lundi soir, évoquant « un lancement en 2022 très improbable ».
L'ESA a enfin annulé un point presse, prévu jeudi depuis la Station spatiale internationale avec l'astronaute allemand Matthias Maurer.
Un grave incident avait déjà affecté la vie dans la Station spatiale internationale en novembre dernier: un tir de missile russe visant à détruire un satellite avait causé une importante dispersion de débris, mettant la vie des astronautes à bord de l'ISS en danger.
Moscou avait d'abord démenti, mais l'armée russe avait reconnu être à l'origine du tir. Le Kremlin a toujours nié toute mise en danger des astronautes.
Fin de l'ISS annoncée pour 2031, sauf si...
Début février, la Nasa a préconisé la fin de la Station spatiale internationale - et son « désorbitage », à savoir son écrasement contrôlé sur Terre - pour 2031. Si la situation continue à se dégrader, il pourrait survenir bien plus tôt...
Ukraine. L'offensive russe s'étend jusque dans la Station spatiale internationale - Est Républicain
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