Le temps est venu
En 2011, dans le deuxième plan décennal d’exploration planétaire de la NASA, elle était jugée moins prioritaire que Mars. Mais dans le troisième plan, présenté au printemps, Uranus s’est retrouvée en tête de la liste.
La NASA a décrété que le temps était venu de s’intéresser à la septième planète du système solaire, la seule avec Neptune à n’avoir jamais été étudiée par un orbiteur ou un atterrisseur. « On a des photos de Voyager 2, qui est passée près d’Uranus en 1986, et c’est tout », explique Léa Griton, de l’Observatoire de Paris. Elle travaille sur des simulations de la magnétosphère iranienne et sur la future sonde de la NASA.
Je n’étais même pas née. On a tellement peu de données pour comprendre Uranus que c’est semblable à faire une recette de gâteau au chocolat avec comme seule instruction que le gâteau est marron.
Léa Griton, de l’Observatoire de Paris. Elle travaille sur des simulations de la magnétosphère uranienne et sur la future sonde de la NASA
Uranus est la seule planète du système solaire qui tourne sur elle-même de manière perpendiculaire à son axe de rotation autour du Soleil. En comparaison, la Terre n’est inclinée que de 23 degrés par rapport à son orbite solaire. « Le champ magnétique d’Uranus est très dynamique, il change énormément avec le temps, parfois dans la même journée », explique Mme Griton. Sur la Terre, les « excursions » (ou instabilités rapides) du champ magnétique ne surviennent que tous les 50 000 à 100 000 ans.
Odinus
Uranus est une « géante glacée », comme Neptune. Une étude américaine parue l’an dernier dans Nature Physics avançait que ces deux planètes pourraient abriter de la « glace superionique » liquide.
C’est pour cette raison que les astrophysiciens ont longtemps hésité entre deux approches pour explorer Uranus. « On n’a pas de modèles pour expliquer la physique d’Uranus, dit Diego Turrini, de l’Institut national d’astrophysique italien à Turin. Alors il sera important de valider les données avec Neptune. » M. Turrini a conçu en 2013 le projet de sondes jumelles Odinus vers Neptune et Uranus, qui n’a jamais vu le jour. Neptune est située 50 % plus loin qu’Uranus, à 30 unités astronomiques (UA, la distance entre la Terre et le Soleil) du Soleil.
Des anneaux poussiéreux
Malgré sa technologie antédiluvienne, Voyager 2 révèle encore des secrets d’Uranus. Un astrophysicien de l’Université de l’Idaho a ainsi récemment annoncé que la quantité de poussière dans certains de ses anneaux augmente, grâce à une réanalyse des données de la sonde lancée en 1977. « On peut en tirer plus d’informations grâce à la puissance des ordinateurs actuels », explique Matthew Hedman, qui a présenté ses résultats au début d’octobre à une réunion de la Société astronomique américaine.
Triton
L’autre motif important qui pousse à explorer à la fois Neptune et Uranus est la lune neptunienne Triton. « C’est la seule lune qui tourne à l’envers des autres lunes autour de sa planète, dit M. Turrini. On pense que c’est parce qu’elle s’est formée dans la ceinture de Kuiper et a été captée par Neptune. C’est en quelque sorte une cousine de Pluton. »
Explorer Triton permettrait de mieux comprendre l’hypothèse « chaotique » de formation du système planétaire. « Jusqu’au début du millénaire, on pensait que les planètes s’étaient formées là où elles se trouvent actuellement, dit M. Turrini. Mais plusieurs études ont montré que Jupiter s’est formée beaucoup plus loin. Et on prévoit que Mercure va disparaître dans très longtemps. Ces migrations planétaires ont sûrement influencé la formation de la vie sur Terre. »
Shakespeare
Uranus a été découverte au XVIIIe siècle par un musicien britannique d’origine allemande, William Herschel. « Il était un génie pour obtenir du financement pour ses recherches, dit Mme Griton. Il a tout d’abord nommé la planète George, en l’honneur du roi [du Royaume-Uni]. »
Ce choix de noms populaires dans son pays d’adoption s’est étendu aux deux lunes uraniennes découvertes par Herschel, Obéron et Titania, des noms de personnages du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Par la suite, la plupart des 27 autres lunes de Jupiter, dont 10 ont été découvertes avec Voyager 2, ont reçu des noms shakespeariens. « Avoir Roméo en orbite autour d’Uranus, je trouve ça fantastique », dit Mme Griton. Herschel a aussi exigé que la pension royale qui récompensait ses découvertes soit aussi versée à sa sœur et collaboratrice Caroline. « Elle a été la première femme rémunérée comme chercheuse », dit Mme Griton.
Uranus en fiction
La science-fiction aborde peu Uranus et Neptune. « Il y a beaucoup moins d’intérêt pour les géantes de glace que pour les géantes gazeuses en littérature », explique Geoffrey Landis, ingénieur électrique à la NASA. M. Landis, aussi auteur de science-fiction, a publié en 1999 la nouvelle Blue Abyss, où des explorateurs aux commandes de sous-marins individuels découvrent de la vie sur Uranus. « Une des raisons est qu’il est difficile d’imaginer de la vie sur Uranus, aussi loin du Soleil. »
Dans Blue Abyss, les poissons qui habitent l’océan superionique uranien se nourrissent de particules formées par un processus un million de fois moins efficace que la photosynthèse à la base de la vie sur Terre. Uranus a fait l’objet d’un seul film, en 1962, où une vie extraterrestre prend le contrôle de l’esprit d’astronautes.
En savoir plus
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- Pression dans l’océan superionique d’Uranus selon la nouvelle Blue Abyss, soit 150 fois celle de la surface terrestre
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Cap sur Uranus | La Presse - La Presse
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