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Friday, October 20, 2023

Andrew Wan, «primus inter pares» - Le Devoir

Le premier d’entre tous ! En tant que violon solo de l’Orchestre symphonique de Montréal, Andrew Wan est l’incarnation, l’ambassadeur, le moteur et l’âme de tout un groupe. Le public, dans la salle, n’est pas forcément conscient de cette responsabilité. Rafael Payare salue ce travail par un acte de confiance rare : confier cette semaine à Andrew Wan non pas « un » concerto, mais le Concerto pour violon de Beethoven. Nous avons voulusavoir, lors d’un entretien à bâtons rompus, comment cet artiste discret mais essentiel voit son métier.

« C’est vous qui m’avez mis la pression à la conférence de présentation de la saison de l’OSM, en me faisant remarquer que c’était un big deal », s’amuse Andrew Wan en parlant du rendez-vous qui l’attend cette semaine.

Nous avions simplement remarqué que s’il est fréquent que des Konzertmeister, comme on les appelle dans le métier, se voient confier des concertos en guise de reconnaissance pour bons et loyaux services, il est extrêmement rare qu’on aille jusqu’à leur donner celui de Beethoven, qu’Andrew Wan qualifie de « pinacle, faisant partie du top 5 des concertos tous instruments confondus ».

Ce concerto qu’il a rodé ailleurs précédemment, Wan le juge « inconfortable », car « non seulement tout le monde a des références en tête, mais il est techniquement exigeant, car on ne peut pas bricoler ou faire illusion ». Le violoniste se réjouit de le jouer avec Rafael Payare : « Comme il habite Montréal, on pourra le préparer plus en amont que s’il était un chef invité. »

Violon solo à 25 ans

Si nous avons voulu discuter avec Andrew Wan, c’est surtout parce qu’il est une incarnation dynamique de l’OSM et que le rôle d’un violon solo est parfois mal connu. Lauréat du concours OSM en 2007, il s’est vu confier cette responsabilité dès l’année suivante, à 25 ans. Il entame sa seizième saison à ce poste. « Cette année, c’est la première fois que je me suis dit : “Je ne suis plus le ‘jeune gars’ !” C’est une sensation que j’ai toujours eue, quand j’allais à des festivals ou autres, j’étais “le petit jeune”. Là, j’accède à une autre génération et j’aime ça. Je suis dans une bonne forme instrumentale et j’ai gagné en expérience. »

La définition de « l’expérience » permet justement de mieux cerner ce métier et son apprentissage. « Au début, je ne connaissais rien et je dois remercier Kent Nagano et tous les musiciens de l’époque d’avoir fait preuve d’une grande patience à mon égard. Ils ne m’ont pas recruté comme un “produit fini” et ça m’a sauvé, car je l’ai vite réalisé. Évidemment, j’ai fait beaucoup d’erreurs et je continue d’apprendre. »

La tâche du Konzertmeister d’un orchestre, Andrew Wan la définit ainsi : « Mon rôle est de faciliter la traduction des intentions du chef, d’être une courroie de transmission. Il n’est pas nécessaire d’être le meilleur musicien ni même le meilleur violoniste, mais je suis le représentant, choisi par les musiciens, choisi par le chef. L’analogie que j’aime, c’est celle du hockey : je suis le capitaine. Je me prépare beaucoup pour, justement, traduire les intentions du coach dans un mouvement d’équipe sur la glace et s’il y a un doute, je prends le blâme et la responsabilité. »

Alors, que ne savait-il pas au départ ? « Ce n’est pas pour faire un bon mot, mais c’est, avant tout, l’étendue même de ce que j’ignorais ! Mais tous ont vu que j’étais flexible, que Kent Nagano pouvait me façonner, que ma section pouvait me façonner. Ils sont positifs avec moi pour me soutenir. J’ai eu l’impression qu’ils ont pensé : “Ce gars agit de manière assez humble pour montrer qu’il va changer.” Je n’ai jamais voulu paraître entêté. Même aujourd’hui, si je sais que j’ai raison sur quelque chose, je suis très ouvert à essayer autre chose et à accepter des opinions différentes. C’est, je crois, une caractéristique de notre génération de Konzertmeister. »

Souplesse et avenir

Au moment où nous nous sommes parlé, l’OSM venait de jouer Le sacre du printemps de Stravinski. « C’est un bon exemple de ce qui évolue avec le temps. Si je crois fortement à quelque chose en concert et que je pense que je dois amener le groupe dans telle direction, j’ai plus de confiance pour le faire. Je me souviens de mon premier Sacre : c’était ma seconde semaine de travail. Vous n’avez même pas idée du travail que j’y ai consacré. Je me souviens d’un vol pour l’Asie où je l’ai écouté dix fois de suite dans dix versions différentes. Je pouvais jouer l’oeuvre à toutes les vitesses possibles et si je n’avais pas fait cet entraînement, cela aurait été un désastre. Maintenant, en voyant Le sacre du printemps au programme, je sais où mettre mon énergie, je sais ce qui peut arriver et dans quel passage. Ce qui change au fil du temps, c’est l’expérience qui donne la confiance, qui rationalise la préparation. »

L’analogie que j’aime, c’est celle du hockey : je suis le capitaine. Je me prépare beaucoup pour, justement, traduire les intentions du coach dans un mouvement d’équipe sur la glace et s’il y a un doute, je prends le blâme et la responsabilité.

 

Andrew Wan nous parle aussi de sa relation plus détendue avec ses collègues et les chefs d’orchestre. « Je parle beaucoup en répétition, mais l’efficacité est améliorée : je sais maintenant quel est le seuil de tolérance, la “durée limite pour entendre parler Andrew”. Donc il faut que l’information soit utile et efficace. À mes débuts, je pouvais faire perdre du temps en m’acharnant sur des choses secondaires. J’ai aussi appris à ne plus relever des choses dont je sais désormais, par expérience, qu’elles se placeront si j’ai confiance qu’elles vont se placer. »

Vu de la salle, le Konzertmeister se distingue, car de son corps, il donne des impulsions. « Mon rôle est aussi celui d’une personne qui cadre les choses. Je n’ai pas un gabarit imposant, mais je dois parfois occuper un espace plus grand. Je vois mieux les moments où je peux laisser aller les choses et ceux où je dois intervenir. Les gens vont dire que je bouge encore beaucoup, mais je bouge d’une manière plus ciblée, plus chirurgicale. Je n’ai pas besoin d’être aussi démonstratif que je l’ai été jadis et je peux aussi laisser d’autres chefs de pupitre prendre un leadership. Par exemple, si l’énergie doit être aux violoncelles ou aux altos, je suis davantage capable de transférer cette énergie plutôt que de la reprendre à mon compte : ça m’a pris beaucoup de temps à déléguer cela. »

Au fil de la discussion, on comprend que l’expérience permet d’acquérir beaucoup de souplesse : « La qualité de cet orchestre est la qualité de la préparation. Comme on est préparés et que je suis préparé, on a une idée de la manière dont les choses devraient se passer et la plus grande erreur serait d’être inflexible. Quand je vais à la première répétition, je sais qu’il va falloir entendre les timbales ici ou les hautbois là et si ce n’est pas le cas, je dois comprendre ce que les autres veulent. Soit je dirige le groupe vers mon idée ou je réalise que j’ai tort. Et j’ai fait beaucoup de progrès pour reconnaître quand j’ai tort ! »

Ce gain de souplesse tombe à pic au moment où arrive un chef, Rafael Payare, qui fait des mots « souplesse » et « réactivité » des points cardinaux de son art interprétatif. Ce que le public ressent dans la salle est aussi vécu de l’intérieur. « Ça marche, comme vous le notez. Il y a davantage qu’une masse critique, une large majorité qui a confiance dans la direction artistique que nous prenons. C’est très gratifiant de sentir ça et formidable de finir un concert et de se sentir exalté. La confiance est là, Payare est ouvert, lui a confiance en nous. Il y a une symbiose, son répertoire va avec ce que l’orchestre veut faire. J’ai des amis à San Diego et ils ressentent la même chose : Payare a ce talent et cet esprit de rendre les gens enthousiastes. Nos interprétations sont de plus en plus nuancées. Tout cela est très spécial, j’aime la direction que ça prend et nous avons beaucoup de chance. »

En concert cette semaine

Andrew Wan joue le «Concerto pour violon» de Beethoven

Oeuvres de Bach/Webern, Mozart (Symphonie no 35), Webern et Beethoven. OSM, Rafael Payare. À la Maison symphonique, mercredi 25 octobre à 19 h 30 et jeudi à 10 h 30 et 19 h 30.

À voir en vidéo

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